11 mai 2015
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"En conformité avec ses objectifs, la société occidentale a choisi la forme d'existence qui était pour elle la plus commode et que je qualifierai de juridique. Les limites (forts larges) des droits et du bon droit de chaque homme sont définies par un système de lois. A force de s'y tenir, de s'y mouvoir et d'y louvoyer, les Occidentaux ont acquis une bonne dose de savoir-faire et d'endurance juridique.
Tout conflit reçoit une solution juridique, et c'est là la sanction suprême. Si un homme se trouve juridiquement dans son droit, on ne saurait lui demander plus.
Tout conflit reçoit une solution juridique, et c'est là la sanction suprême. Si un homme se trouve juridiquement dans son droit, on ne saurait lui demander plus.
Allez lui dire après cela, qu'il n'a pas entièrement raison, allez lui demander de consentir un sacrifice ou de courir un risque gratuit... vous l'aurez l'air complètement idiot.
L'autolimitation librement consentie est une chose qu'on ne voit presque jamais: tout le monde pratique l'auto-expansion, jusqu'à ce que les cadres juridiques commencent à émettre de petits craquements (juridiquement les compagnies pétrolières sont sans reproche lorsqu'elles achètent le brevet d'invention d'une nouvelle forme d'énergie afin de pouvoir l'étouffer. Juridiquement sans reproche, ceux qui empoisonnent les produits alimentaires afin de prolonger leur durée de conservation: le public reste toujours libre de ne pas acheter).
Moi qui ai passé toute ma vie sous le communisme, j'affirme qu'une société où il n'existe pas de balance juridique impartiale est une chose terrible. Mais une société qui ne possède en tout et pour tout qu'une balance juridique n'est pas, elle non plus, vraiment digne de l'homme. Une société qui s'est installée sur le terrain de la loi, sans vouloir aller plus haut, n'utilise que faiblement les facultés les plus élevées de l'homme. Le droit est trop froid et trop formel pour exercer sur la société une influence bénéfique. Lorsque toute la vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée une atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie les meilleurs élans de l'homme.
Et face aux épreuves du siècle qui menace, jamais les béquilles juridiques ne suffiront à maintenir les gens debout"
Alexandre Soljenitsyne, Le déclin du courage, 1978