Chers élèves ou anciens élèves,
en ces moments dramatiques l'heure est au recueillement et à la réflexion.
L'interview de l'ancien responsable de la lutte antiterroriste que j'ai décidé de mettre en lien (voir en bas de page) comporte des analyses dérangeantes, comme le sont toutes celles qui se veulent attachées au réel et où le positionnement politique partisan n'a pas sa place. L'histoire nous apprend jour après jour qu'une vérité est rarement un élément de confort. Ce constat nous conduit d'ailleurs fréquemment à préférer les analyses analgésiques et rassurantes.
Il ne s'agit pas de céder à la psychose encore moins à la haine mais d'être conscient à la fois de ce qu'est l'ennemi qui nous fait face et de "nos" propres failles, en l'occurrence celles incarnées par notre Etat. Il ne s'agit pas non plus de confondre le courage avec l'absence de peur. Le courage implique la prise en compte de nos plus profondes angoisses pour éviter qu'elles ne nous paralysent ou nous fassent faire de faux pas, l'absence de peur dénote surtout de l'inconscience, comparable à celle qui meut le randonneur de haute montagne mal équipé et ignorant les spécifités d'un milieu aussi fascinant qu'hostile.
Chers élèves, vous comme moi n'avons jamais connu la guerre. Cet immense progrès dont nous avons bénéficié a fait de nous des personnes majoritairement réfractaires à la violence, ouvertes à l'autre, peu enclines à déceler le mal et parfois même, au nom du "bien", à en faire le jeu.
Cela nous a rendu plus humains.
Les ennemis qui cherchent à nous diviser prennent notre humanité pour de la faiblesse. Il nous appartient de leur montrer qu'ils se trompent.
Nous ne pouvons nous défendre seulement avec des larmes et des cris d'incompréhension. Nous ne pouvons pas nous contenter de qualifier nos agresseurs de "monstres" ou de "barbares".
Je laisse évidemment à chacun le soin d'évaluer en sa propre conscience ce que peuvent être les réponses individuelles et collectives face à ce nouveau chapitre de notre histoire commune.
Pour finir je tiens à expliquer la raison pour laquelle je n'arbore pas les couleurs nationales d'une façon ou d'une autre en ces jours de deuil: je me refuse à réduire le drapeau national à une fonction purement défensive ou de "réaction à". Notre drapeau doit être un élément de construction du vivre ensemble chaque jour, pas seulement un élément de rappel quand notre pays est touché en plein cœur.
Tendres pensées à tous
Mr Gayraud
Pour écouter l'interview: https://www.youtube.com/watch?v=Oz0WKTmmTxs&feature=youtu.be