Les civilisations naissent, grandissent et meurent comme des organismes vivants. Elles ont leur rythme propre, trois pas en avant, deux pas en arrière. Elles respirent. Elles connaissent ainsi un temps d'exaltation où tout semble emporté dans une spirale vertueuse: plus de confort, plus de liberté, moins de travail, meilleure qualité de vie, moins de périls. C'est le moment de l'inspiration. Trois pas en avant. Et puis, parvenu à un certain niveau, l'élan s'interrompt et la courbe bascule. Arrivent la confusion puis la peur, qui engendrent la violence et le chaos. Deux pas en arrière.
Généralement, cette phase retombe aussi à un plancher avant de rebondir vers une nouvelle phase d'inspiration. Mais que de temps perdu. On a vu ainsi l'Empire romain se construire, grandir, prospérer et prendre de l'avance sur les autres civilisations de son temps en tout domaine: droit, culture, technologie...
Et puis, on l'a vu se corrompre, se tyranniser pour finir en plein décadence, anvahi par les barbares. Il faudra attendre le Moyen-Age pour que l'humanité reprenne son oeuvre là où l'Empire romain s'était arrêté à son apogée (1). Même les civilisations les mieux régies et les plus prévoyantes ont connu le déclin, comme si la chute était inéluctable.
Bernard Werber, Encyclopédie du savoir relatif et absolu, septembre 2011
(1) En réalité les dernières découvertes sur la civilisation romaine montrent qu'il faut attendre l'ère contemporaine pour égaler le niveau technologique des romains (maîtrise de l'eau, de la chirurgie, hygiène, urbanisme...)