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"N'oublie pas de rechercher aussi le bonheur que procure une compréhension nouvelle, apportant un lien supplémentaire entre le monde et toi. Ce devrait être l'oeuvre à laquelle tu apportes le plus grand soin, et dont tu puisses être le plus fier."

 

Albert Jacquard, A toi qui n'est pas encore né.

"On se fait généralement du progrès une idée fort élémentaire"

 

Régine Pernoud (1909-1998), historienne

"Moins d'histoire et de chronologie, ça ne va pas faire des jeunes gens modernes, ça va faire des jeunes gens amnésiques, consensuels et obéissants

Régis Debray

 

 

"Les véritables hommes de progrès ont pour point de départ un respect profond du passé"

Ernest Renan

 

 

31 janvier 2014 5 31 /01 /janvier /2014 07:14

paix de dieu

"Ecoutez, chrétiens1, l'accord de paix !

 

[1] Je n'envahirai d'aucune manière une église. Je n'empiéterai pas sur les aîtres [le terrain libre qui entoure une église et qui sert de cimetière ; lieu, délimité par des croix, où doit s'exercer la « Paix de Dieu », étendant celle-ci au-delà du refuge des églises] de l'église, sauf pour un malfaiteur qui aura enfreint cette paix. Et si j'envahis ces aîtres, je n'en retirerai, sciemment, rien d'autre que ce malfaiteur et ses affaires.

[2] Je n'assaillirai pas de clerc et de moine ne portant pas d'armes séculières ni de gens marchant avec eux sans armes ; je ne m'emparerai pas de leurs biens, sauf si leur culpabilité me donne alors une bonne raison de le faire. Et si leur culpabilité est prouvée, je ne prendrai pas plus que le prix du forfait et l'amende légale. (...)

[4] Je ne m'emparerai pas du paysan, de la paysanne, des serviteurs et des marchands. Je ne prendrai pas leurs deniers, je ne les ferai pas racheter, je ne prendrai ni ne gaspillerai leur bien, et je ne les fouetterai pas.

[5] Je n'enlèverai à personne son mulet ou sa mule, son cheval ou sa jument ou quelque autre bête se trouvant au pacage, y allant ou en revenant ou se trouvant en un autre lieu, à moins qu'ils ne me causent un dommage. Si j'en trouve, je ne les tuerai pas, je ne les détruirai pas. Si l'on veut bien réparer dans les huit jours le dommage qui m'a été causé et payer l'amende légale, je les rendrai.

[6] Je n'incendierai ni ne détruirai les maisons, à moins que je n'y trouve à l'intérieur un cavalier qui soit mon ennemi et en armes ou un voleur, ou qu'elles ne jouxtent un château qui réponde au nom de château. (...)

[9] Je ne détruirai pas de moulin, je ne m'emparerai pas du blé qui s'y trouve, à moins que je ne sois à l'ost2 ou qu'il ne se trouve sur la terre de ma propriété.

[10] Quant au voleur public et bien connu, je ne le protégerai pas et ne l'approuverai pas sciemment, ni son brigandage. Et l'homme qui enfreindra sciemment cette paix, qui viendra ou sera sous ma protection, je ne le protégerai pas dès que je serai au courant ; et s'il l'a enfreinte inconsciemment, soit je ferai réparation pour lui, soit je lui ferai faire réparation dans un délai de quinze jours après qu'on aura demandé raison. (...).

[12] J'observerai ce bref écrit tant que je vivrai (...). A l'exception des terres qui sont de mon alleu, de mon bienfait, en franchises ou en commandes ; à l'exception du temps pendant lequel je bâtis ou j'assiège un château, pendant lequel je participe à l'ost du roi, à celui de l'archevêque de Lyon et des évêques dont nous avons donné la liste des évêchés plus haut ou à celui des comtes ; à l'exception de la chevauchée des chevaliers. Même dans ce cas, je ne prendrai que ce que m'accorde mon sauf-conduit. Et je n'emporterai rien chez moi, à l'exception des fers pour les pieds des chevaux. Et je n'envahirai pas les sauvements de l'église pendant lesdits osts, à moins qu'on ne m'y ait interdit l'achat des vivres ou l'application de mon sauf-conduit.

[13] Depuis le début du jeûne jusqu'à Pâques closes, je n'assaillirai pas le cavalier ne portant pas les armes séculières et je ne lui enlèverai pas de force l'avoir qu'il portera avec lui.

[15] J'observerai tout cela, jusqu'à la présente fête de saint Jean-Baptiste, et à partir d'elle pendant sept ans.

 

Burchard, archevêque de l'Eglise de Lyon, a établi ce pacte de paix au concile de Verdun, en présence de ses évêques (...) qui tous ensemble ont prononcé la formule d'excommunication : celui qui ne tiendra pas cette paix à partir d'aujourd'hui, qui ne la jurera pas d'ici la fête de saint Pierre (à l'exception de ceux qui ont déjà juré), qu'il n'entre plus dans l'église avec les chrétiens, qu'il n'ait plus leur compagnie, qu'il ne reçoive plus le corps et le sang du Seigneur jusqu'à ce qu'il jure cette paix. Nous n'ordonnons pas de jurer ce sacrement à ceux qui ne sont pas cavaliers et ne portent pas les armes séculières. Participa à ce concile Oury, dans les faits honorable prêtre, en espoir vénérable évêque. "

 

Source : R. Bonnaud-Delamare, « Les institutions de paix dans la province ecclésiastique de Reims au XIe siècle », dans Bulletin philologique et historique (jusqu'à 1715) du Comité des travaux historiques et scientifiques, années 1955-1956, Paris, 1957, p.148-153.

 

1. Document adressé aux chevaliers

2. Service militaire demandé aux chevaliers par le roi.

 

VOTRE TRAVAIL

 

A partir de cet extrait montrez tout d'abord que le XIe siècle est marqué par de nombreuses formes de violences que l'Église tente d'atténuer, puis présentez le moyen de pression utilisé par celle-ci pour y parvenir tout en nuançant l'impact qu'a pu avoir un tel serment. Le tout en une quinzaine de lignes. 

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6 janvier 2014 1 06 /01 /janvier /2014 18:35

Relever les éléments clés permettant de comprendre, selon Jean-Pierre Chevènement, la rupture entre de nombreux citoyens européens et l'Union Européenne.

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3 janvier 2014 5 03 /01 /janvier /2014 19:13

nuremberg party rallies gallery main 2

Quelles hypothèses sur la cruauté et la monstruosité de ces hommes Kelley (psychiatre ayant questionné loonguement les criminels nazis jugés à Nuremberg entre 1945 et 1946) va-t-il être capable d'avancer à partir des matériaux qu'il a recueillis ?

L'examen des résultats des tests de Rorschach suggère qu'un aucun des grands dignitaires nazis, excepté Ley, dont le cerveau semble lésé, ne présente de symptômes de maladie mentale ni de troubles psychiques permettant de lui coller une étiquette de "fou". Kelley réfute donc un cliché qui a cours à l'époque. Tous ces hommes sont responsables de leurs actes et capables de distinguer le bien et le mal. Le psychiatre est sidéré qu'un être aussi intelligent et cultivé - Goering - ait pu témoigner de tant d'immoralité, et d'une si complète indifférence envers le sort d'autrui. (...)

En revanche il a détecté des anomalies psychiques qu'il qualifie de "névroses": il est possible qu'elles aient contribué à déséquilibrer ces individus et à aggraver leur cruauté, sans toutefois franchir  la frontière qui sépare  la normalité de la folie. Kelley pense qu'il existe d'innombrables clones de Goering, des individus gouvernés par leur narcissisme, impérméables à tout scrupule moral et qui, sous "les traits d'hommes d'affaires", de politiciens ou de grangsters tout-puissants, assis derrière de larges bureaux, passent leurs journées à prendre des décisions. (...)

Sa longue proximité avec les prisonniers a convaincu Kelley qu'il présentent tous une ambition démesurée, une éthique atrophiée et un patriotisme exorbitant, caractéristiques dont la combinaison leur permet de justifier n'importe quel acte à la moralité douteuse. Les nazis qui plus est, y compris les plus haut placés et les plus puissants n'étaient pas des monstres, des machines à faire le mal ou des automates dépourvus d'âme ou de sentiments. L'inquiétude de Goering pour sa famille, l'amour que portait Schirach à la poésie et l'effroi de Kaltenbrunner devant le sort qui l'attendait ont ému Kelley et l'ont persuadé que ses ex-patients étaient capables d'émotions et de réactions identiques à celles de tout individu ordinaire. (...) Leur relative normalité laisse ouverte une interrogation d'autant plus vertigineuse: comment comprendre leur conduite inexplicable ?

(...) Kelley en est amené à conclure, à regret, que de très nombreux individus sont capables de se transformer eux-aussi en criminels de guerre.

 

Le Nazi et le psychiatre, chapitre 8, par Jack El-Hai, Ed Les Arènes, 2013

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17 décembre 2013 2 17 /12 /décembre /2013 16:58

faire une recherche sur internet

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11 décembre 2013 3 11 /12 /décembre /2013 15:26
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8 décembre 2013 7 08 /12 /décembre /2013 13:10

 ilotplastique-350x250

Imaginez un énorme siphon qui attirerait des millions de tonnes de déchets en un seul et même endroit. Sauf qu’ici, ils ne sont pas évacués comme dans un évier. Ils se regroupent et forment un « continent de plastique », grand comme six fois la superficie de la France et dont les conséquences sur l’écosystème marin sont désastreuses. Ce n’est malheureusement pas une chimère : 3,43 millions de km2 de détritus, répartis en deux plaques, flottent au large du Pacifique et forment la « Grande plaque de déchets du Pacifique ». Pire, cette plaque n’est qu’un des cinq gyres océaniques de déchets de la planète. On connait leur existence depuis près de 15 ans. Les gyres de déchets sont des témoins de nos excès: dans le Pacifique, 3.43 millions de km² d'amas de petits morceaux de plastique (dont la profondeur peut par endroits aller jusqu'à 30 mètres) polluent les eaux. En raccourcissant l'échelle, on y trouve près de 750000 déchets par km², dont 5 kg de plastique pour seulement 1kg de plancton.

Des chiffres, rapportés par « l’expédition 7e continent », qui donnent le tournis et un constat qui a profondément marqué Patrick Deixonne, à l’initiative de la mission. Navigateur, Patrick Deixonne rencontre un des 5 gyres de déchets pendant une tentative de traversée de l’Atlantique à la rame : « on a par exemple croisé des par-chocs de voiture au milieu de l’océan », rapporte-t-il désabusé.

Patrick Deixonne est aujourd’hui le chef de mission de « l’expédition 7e continent », opération qui a pu voir le jour grâce au partenariat entre le CNES, la Nasa et la NOAA et qui vise à « rapporter un témoignage […] de cette nouvelle catastrophe écologique […] directement liée au comportement de l’homme. »

Si ce n’est pas à proprement parler une mission scientifique, l’opération aura tout de même pour objectif de mieux comprendre ces gyres : « en collaboration avec des laboratoires de recherche, nous allons tirer profit de notre déplacement pour collecter des données et faire des prélèvements qui permettront d’améliorer la connaissance du phénomène », lit-on sur le site officiel du projet.

Mais comment se forment les plaques de déchets ? Sous l’effet des gyres océaniques, les déchets des quatre coins du monde s’accumulent en 5 principaux endroits du globe, dont la spectaculaire « Grande plaque de déchets du Pacifique ». « À l’image d’un puissant siphon marin, le vortex attirerait vers lui tous les résidus de notre société », vulgarise le site notre-planete.info. Avec des conséquences désastreuses pour les écosystèmes présents : « dans cette zone la plupart des morceaux de plastique sont très petits. [...] En fait ils ont la même taille que le plancton dont se nourrissent les poissons. »

Alors quels sont leurs impacts ? Des effets sur les espèces présentes dans ces eaux, mais pas seulement : le plastique agit comme une éponge, fixant de nombreuses toxines dont des polluants organiques persistants (POP), connus pour leur nocivité et leur volatilité. « Ainsi, Bisphénol A, phtalates, DDT et PCB se retrouvent dans ces morceaux de plastique à des concentrations jusqu’à 1 million de fois supérieures aux normales », continue-t-on de lire sur notre-planete.info.

Un triste constat qui en appelle un autre, plus dérangeant encore :« le nettoyage de cet océan de déchets semble insurmontable, la superficie à couvrir est trop importante et les coûts seraient colossaux. Selon Marcus Eriksen, directeur de recherche et d’éducation à la Algalita Marine Research Foundation : il n’y a rien que nous puissions faire maintenant, à l’exception de ne pas faire plus de mal », rapporte notre-planete.info.

 

Rar Rose Lavigne le 26 novembre 2013, site www.toutvert.fr 

 

Pour en savoir plus :

- Lavidéo du CNED, Cap vers les 7e continent : http://www.dailymotion.com/video/x10e3ju_cap-vers-le-7e-continent_tech#.Ubsnd4X_OHk

- Le site de l’expédition 7e continent : http://www.septiemecontinent.com/#!page3/cee5

- Pour approfondir, l’émission de France Inter, La Tête au Carré, Plastiques : danger sur les océans : http://www.franceinter.fr/emission-la-tete-au-carre-plastiques-danger-sur-les-oceans

 « Palmarès » des fleuves les plus pollués du monde (http://www.toutvert.fr/fleuves-plus-pollues-du-monde/)

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29 novembre 2013 5 29 /11 /novembre /2013 10:36

 

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Les dirigeants américains hostiles à Charles de Gaulle, à Jean Moulin, à l’alliance des gaullistes et des communistes, au CNR etc., ont choisi le fédéralisme pour imposer ultérieurement, leur domination sur notre continent et le monde entier. Ils sélectionnent ainsi et rassemblent un vaste personnel politique apte à la vassalisation - idéologiquement ou moyennant finance - qu’ils utiliseront aprés la libération et, dont les successeurs sont toujours au pouvoir en France, aujourd’hui encore. Frenay le vichystorésistant dont le rôle réel reste à éclaircir, travaille au fédéralisme européen dès le début des années 40, ainsi que beaucoup d’autres. CB.

 

C’est qu’au-delà des hommes, il y a la stratégie d’ensemble. Face à l’Union soviétique, Washington développe deux concepts clés : le containment (l’endiguement) et plan Marshall. L’idée du containment , revient à un diplomate russophone, George Kennan, qui la développe dès juillet 1947 dans un article de la revue Foreign Affairs : " L’élément majeur de la politique des Etats-Unis en direction de l’Union soviétique doit étre celui d’un endiguement à long terme, patient mais ferme, des tendances expansionnistes russes. "

Le plan Marshall, lui, porte la marque de son inventeur le général George Marshall, chef d’état-major de l’US Army pendant la guerre, et désormais ministre des Affaires étrangères du président Truman. En apportant une aide massive aux pays d’Europe ruinés, les Etats-Unis doivent, selon lui, faire coup double : un, couper l’herbe sous le pied des partis communistes par une hausse rapide du niveau de vie dans les pays concernés ; deux, empécher leur propre industrie de sombrer dans la dépression en lui ouvrant de nouveaux marchés. (…)

L’ACUE (American Committee for United Europe ) allie sans complexe une certaine forme de messianisme américain avec le souci de la défense bien comprise des intéréts des Etats-Unis. Messianique, cette volonté bien ancrée de mettre le Vieux Continent à l’école du Nouveau Monde. Phare de la liberté menacée, l’Amérique a trouvé, la première, la voie d’une fédération d’Etats, succès si resplendissant que l’Europe n’a plus qu’à l’imiter... Cet européanisme made in Washington comporte sa part de sincérité : " Ils m’appellent le père du renseignement centralisé, mais je préférerais qu’on se souvienne de moi à cause de ma contribution à l’unification de l’Europe ", soupire ainsi Donovan en octobre 1952.

De sa part de calcul aussi. Car en décembre 1956, trois mois avant sa mort, le méme Donovan présentera l’Europe unie comme " un rempart contre les menées agressives du monde communiste ". En d’autres termes, un atout supplémentaire de la stratégie américaine conçue par Marshall, Kennan et leurs successeurs : construire l’Europe, c’est remplir un vide continental qui ne profite qu’à Staline, donc, en dernier ressort, protéger les Etats-Unis.

Ajoutons une troisième dimension. Dans l’esprit des hommes de la Compagnie, rien de plus noble qu’une action clandestine au service de la liberté. Tout officier de la CIA le sait : les Etats-Unis sont nés pour une bonne part du soutien des agents de Louis XVI, Beaumarchais en tête, aux insurgés nord-américains. Ainsi l’opération American Committee, la plus importante, et de loin menée, par l’Agence en Europe pendant la guerre froide, se trouve-t-elle justifiée par l’Histoire.

Pour chaleureuse qu’elle soit, l’amitié franco-américaine ne saurait toutefois distendre le " lien spécial " entre Grande-Bretagne et Etats-Unis. En foi de quoi, Comité et Compagnie tournent d’abord leur regard vers Londres. Hélas ! Churchill, battu aux législatives de 1945, ronge ses griffes dans l’opposition. Le nouveau secrétaire d’Etat britannique aux Affaires étrangères, Ernest Bevin, a bien proclamé le 2 janvier 1948 aux Communes : " Les nations libres d’Europe doivent maintenant se réunir. " N’empêche que ses collègues du cabinet travailliste et lui repoussent avec horreur la perspective d’une véritable intégration continentale. Non pas que Bevin craigne de s’affronter aux communistes : deux jours après son discours de janvier, il créait un organisme clandestin de guerre idéologique, l’Information Research Department. Ce même IRD qui, jugeant La Ferme des animaux et 1984 plus efficaces que mille brochures de propagande, va contribuer à diffuser partout dans le monde les oeuvres de George Orwell. Mais la carte Europe unie, alors là , non !

Cette carte, Churchill la joue-t-il de son côté par conviction profonde ou par aversion pour ses rivaux politiques de gauche ? Le fait est que le 19 septembre 1946 à Zurich, le Vieux Lion appelle à un axe anglo-franco-allemand, élément majeur selon lui d’une " espèce d’Etats unis d’Europe ". Qu’en mai 1948, Duncan Sandys, taille aux mesures de son homme d’Etat de beau-père le Congrès européaniste de La Haye. Qu’en octobre 1948, Churchill crée l’United European Movement - le Mouvement européen. Qu’il en devient président d’honneur aux côtés de deux démocrates-chrétiens, l’Italien Alcide De Gasperi et l’Allemand Konrad Adenauer, et de deux socialistes, le Français Léon Blum et le Belge Paul-Henri Spaak. Malheureusement pour les " amis américains ", cette tendance " unioniste " ne propose, à l’exception notable de Spaak, que des objectifs européens limités. Reconstruction économique et politique sur une base démocratique, d’accord, mais sans transfert, même partiel, de souveraineté.

Le Comité et la tendance " fédéraliste ", dont Henri Frenay émerge comme la figure emblématique, veulent, eux, aller beaucoup plus loin. Aux heures les plus noires de la Seconde Guerre mondiale, Frenay, patriote mondialiste, a conçu l’idée d’un Vieux Continent unifié sur une base supranationale. En novembre 1942, révélera quarante ans plus tard Robert Belot dans le remarquable travail sur Frenay qui vient de lui valoir l’habilitation à diriger des recherches à l’Université, le chef de Combat écrivait au général de Gaulle qu’il faudrait dépasser l’idée d’Etat-Nation, se réconcilier avec l’Allemagne après-guerre et construire une Europe fédérale. Logique avec lui-méme, Frenay se jette dès 1946 dans cette croisade européaniste aux côtés d’Alexandre Marc. Né Lipiansky à Odessa en 1904, ce théoricien du fédéralisme a croisé la trajectoire de Frenay à Lyon en 1941, puis après-guerre. A rebours de l’européanisme de droite inspiré des thèses monarchistes maurrassiennes ou du catholicisme social, les deux amis s’efforcent de gauchir le fédéralisme français alors fort de " plusieurs dizaines de milliers d’adhérents ", ainsi que me l’assurera l’ancien chef de Combat en 1988.

Orientée à gauche, l’Union européenne des fédéralistes, l’UEF, est créée fin 1946. Elle va tenir son propre congrès à Rome en septembre 1948. Frenay en devient le président du bureau exécutif, flanqué de l’ex-communiste italien Altiero Spinelli, prisonnier de Mussolini entre 1927 et 1937 puis assigné à résidence, et de l’Autrichien Eugen Kogon, victime, lui, du système concentrationnaire nazi qu’il décortiquera dans L’Etat SS (Le Seuil, rééd. 1993). A ces trois dirigeants d’atténuer le profond malaise né de la participation de nombreux membres de l’UEF au congrès de La Haye, o๠Churchill et son gendre Sandys les ont littéralement roulés dans leur farine " unioniste ".

Faut-il choisir entre le Vieux Lion et le pionnier de la Résistance intérieure française à l’internationalisme si radical ? Perplexité au Comité, donc à la CIA. Pour Churchill, sa stature d’homme d’Etat, d’allié de la guerre, sa préférence affichée pour le " grand large ", les Etats-Unis ; contre, son refus acharné du modèle fédéraliste si cher aux européanistes américains et bientôt, ses violentes querelles avec le très atlantiste Spaak. En mars 1949, Churchill rencontre Donovan à Washington. En juin, il lui écrit pour solliciter le versement de fonds d’urgence (très riche à titre personnel, l’ancien Premier ministre britannique n’entend pas puiser dans sa propre bourse). Quelques jours plus tard, Sandys appuie par courrier la demande de son beau-père : de l’argent, vite, sinon le Mouvement européen de Churchill s’effondre. Comité et CIA, la principale bailleuse de fonds, débloquent alors une première tranche équivalant à un peu moins de 2 millions de nos euros. Elle permettra de " préparer " les premières réunions du Conseil de l’Europe de Strasbourg, qui associe une assemblée consultative sans pouvoir réel à un comité des ministres statuant, lui, à l’unanimité.

Pour soutenir leurs partenaires du Vieux Continent, ACUE et CIA montent dès lors des circuits financiers complexes. Les dollars de l’oncle Sam - l’équivalent de 5 millions d’euros entre 1949 et 1951, le même montant annuel par la suite - proviennent pour l’essentiel de fonds alloués spécialement à la CIA par le Département d’Etat. Ils seront d’abord répartis sous le manteau par les chefs du Mouvement européen : Churchill, son gendre, le secrétaire général Joseph Retinger, et le trésorier Edward Beddington-Behrens. En octobre 1951, le retour de Churchill à Downing Street, résidence des premiers ministres anglais, ne tarira pas ce flot : entre 1949 et 1953, la CIA va en effet verser aux unionistes l’équivalent de plus de 15 millions d’euros, à charge pour eux d’en redistribuer une partie à leurs rivaux de la Fédération, la tendance de droite du fédéralisme français, laquelle reverse ensuite sa quote-part à l’UEF. Sommes substantielles mais sans commune mesure avec la manne que l’appareil stalinien international, le Kominform, investit au même moment dans le financement souterrain des PC nationaux et des innombrables " fronts de masse " : Fédération syndicale mondiale de Prague, Mouvement de la paix, mouvements de jeunes, d’étudiants, de femmes...

Pour Frenay, c’est clair : l’Europe fédérale constitue désormais le seul bouclier efficace contre l’expansionnisme communiste. Mais comment aller de l’avant quand le nerf de la guerre manque si cruellement ? L’UEF n’est pas riche. Son président encore moins, dont la probité est reconnue de tous - après son passage au ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés, Frenay, ancien officier de carrière sans fortune personnelle, a quitté l’armée au titre de la loi Diethelm de dégagement des cadres. Comme au temps de " l’affaire suisse ", le salut financier viendra-t-il de l’allié américain ? Oui, assurent dès l’été 1950 les hommes de l’ACUE à un représentant français de l’UEF en visite à New York. Conforme à la position officielle du gouvernement américain en faveur de l’intégration européenne, leur aide ne sera soumise à aucune contrepartie politique ou autre, condition sine qua non aux yeux d’Henri Frenay. Et de fait, à partir de novembre 1950, l’ACUE va financer secrètement à hauteur de 600 000 euros l’une des initiatives majeures de Frenay et des fédéralistes de gauche : la création à Strasbourg, en parallèle du très officiel Conseil de l’Europe, d’un Congrès des peuples européens, aussi appelé Comité européen de vigilance.

S’associeront à ce projet des socialistes (Edouard Depreux), des religieux (le père Chaillet, fondateur de Témoignage chrétien ), des syndicalistes, des militants du secteur coopératif, des représentants du patronat et méme... des gaullistes tels Michel Debré ou Jacques Chaban-Delmas. Mal conçue médiatiquement, l’affaire échoue de peu. Raison de plus pour accentuer le soutien financier, oeuvre du secrétaire général de l’ACUE, Thomas Braden. Connu pour ses opinions libérales, cet ami du peintre Jackson Pollock, n’a pas hésité quand Donovan, son ancien patron à l’OSS, lui a demandé de quitter la direction du musée d’Art moderne de New York.

En juillet 1951, Frenay effectue à son tour le voyage des Etats-Unis sous les auspices du Congrès pour la liberté de la culture - une organisation que nous retrouverons bientôt. L’occasion de rencontrer les dirigeants du Comité et ceux de la Fondation Ford (mais pas ceux de la CIA avec lesquels il n’entretiendra jamais de rapports directs) pour leur faire part des besoins matériels des fédéralistes. Message reçu " 5 sur 5 " par les Américains...

A cette date, Braden ne figure plus parmi les dirigeants officiels de l’ACUE. En vertu du principe des vases communicants, l’agent secret esthète vient en effet de rejoindre Dulles à la CIA. Les deux hommes partagent cette idée de bon sens : face aux communistes, ce ne sont pas les milieux conservateurs qu’il faut convaincre, mais la gauche antistalinienne européenne, dont Frenay constitue un des meilleurs représentants. Braden va plus loin : " Comme l’adversaire rassemblé au sein du Kominform, structurons-nous au plan mondial par grands secteurs d’activité : intellectuels, jeunes, syndicalistes réformistes, gauche modérée... ", plaide-t-il. D’accord, répond Dulles. Naît ainsi la Division des organisations internationales de la CIA. Dirigée par Braden, cette direction centralise, entre autres, l’aide de la Compagnie via l’ACUE aux fédéralistes européens. En 1952, l’American Committee for United Europe finance ainsi l’éphémère Comité d’initiative pour l’assemblée constituante européenne, dont Spaak sera président et Frenay, le secrétaire général.

Brouillés avec la " Fédération ", leur rivale de droite qui servait jusque-là d’intermédiaire pour le versement des fonds CIA-ACUE par le truchement du mouvement churchillien, les amis de Frenay sont très vite au bord de l’asphyxie. Pour parer à l’urgence, Braden, virtuose du financement souterrain au travers de fondations privées plus ou moins bidon, va, cette fois, mettre en place une procédure de versements directs aux fédéralistes de gauche par des antennes para-gouvernementales américaines. A Paris, plaque tournante des opérations de la CIA en Europe avec Francfort, on opérera par le biais de l’Office of Special Representative, conçu à l’origine pour servir d’interface avec la toute jeune Communauté européenne du charbon et de l’acier (Ceca), ou de l’US Information Service (USIS). Par la suite, un bureau ACUE proprement dit sera ouvert.

Comme Jean Monnet, président de la Ceca, Frenay caresse, en cette année 1952, l’idée d’une armée européenne, pas décisif vers l’Europe politique selon lui. L’ACUE approuve chaudement. Prévue par le traité de Londres de mars 1952, cette Communauté européenne de défense comprendrait - c’est le point le plus épineux -, des contingents allemands. Reste à faire ratifier le traité par les parlements nationaux. Frenay s’engage avec enthousiasme dans ce nouveau combat. Pour se heurter, une fois encore, à de Gaulle, qui refuse la CED au nom de la souveraineté nationale et, déjà , du projet ultrasecret de force atomique française, ainsi qu’aux communistes, hostiles par principe à tout ce qui contrarie Moscou. D’après les éléments recueillis par Robert Belot - dont la biographie du chef de Combat devrait sortir ce printemps au Seuil -, Frenay demandera méme à l’ACUE de financer l’édition d’une brochure réfutant... les thèses gaullistes sur la CED.

Staline meurt en mars 1953. L’année suivante, Cord Meyer Jr, un proche de la famille Kennedy, remplace Braden à la téte de la Division des organisations internationales de la CIA. Mais 1954 verra surtout cet échec cuisant des européanistes : l’enterrement définitif de la CED. Découragé, Frenay abandonne alors la présidence de l’Union européenne des fédéralistes. A partir d’octobre 1955, les " amis américains " reportent donc leurs espoirs sur un nouveau venu, le Comité d’action pour les Etats-Unis d’Europe de Jean Monnet. Lié à Donovan et surtout à l’ambassadeur américain à Paris, David Bruce, un proche de Franck Wisner, Monnet est trop fin connaisseur du monde anglo-saxon pour accepter directement les dollars de la CIA. Compte tenu de sa prudence de Sioux, l’aide américaine à son courant européaniste devra emprunter d’autres voies. En 1956, Monnet se voit ainsi proposer l’équivalent de 150 000 euros par la Fondation Ford. Une offre qu’il décline, préférant que cet argent soit versé au professeur Henri Rieben, un économiste et universitaire suisse pro-européen qui vient d’étre nommé chargé de mission aux Hautes Etudes commerciales de Lausanne. Rieben utilisera ces fonds en toute transparence financière pour créer un Centre de recherches européen.

En 1958, le retour du général de Gaulle, radicalement hostile aux thèses fédéralistes, annihile les derniers espoirs de l’UEF et de ses amis américains. Dissolution de l’ACUE dès mai 1960 puis cessation des financements occultes par la CIA s’ensuivent. En douze ans, la Compagnie aura quand méme versé aux européanistes de toutes tendances l’équivalent de 50 millions d’euros sans étre jamais prise la main dans le sac ! Mais pourra-t-on préserver longtemps le grand secret ?

La première alerte éclate dès 1962. Trop précise sur les financements américains, une thèse universitaire sur les mouvements européanistes doit étre " enterrée " d’urgence en Angleterre. Ce remarquable travail est l’oeuvre du fils d’un camarade de résistance de Frenay, Georges Rebattet, créateur en avril 1943 du Service national maquis. Georges Rebattet, le successeur en 1952 de Joseph Retinger comme secrétaire général d’un Mouvement européen dont il a d’ailleurs assaini pour une bonne part le financement.

Deuxième secousse au milieu des années 1960. L’étau de la presse américaine (le New York Times et la revue gauchiste Ramparts ) se resserre sur une des filiales du " trust " Braden-Meyer, le Congrès pour la liberté de la culture o๠se côtoyaient des intellectuels antitotalitaires européens de haute volée - Denis de Rougemont, Manhès Sperber, Franz Borkenau, Ignazio Silone, Arthur Koestler ou, par éclipses, Malraux et Raymond Aron. Financé par la CIA au travers de la Fondation Fairfield, le Congrès édite en français l’une de ses revues les plus prestigieuses, Preuves . Jouant la transparence, Braden jette alors son pavé dans la mare. " Je suis fier que la CIA soit immorale ", déclare-t-il en 1967 au journal britannique Saturday Evening Post , auquel il confie des révélations sensationnelles sur le financement occulte par la CIA du Congrès pour la liberté et sur le rôle d’Irving Brown dans les milieux syndicaux. Silence radio, en revanche, sur le soutien aux mouvements européanistes, le secret des secrets...

 

Ultime rebondissement à partir de juin 1970, quand le conservateur anglais pro-européen Edward Heath arrive à Downing Street. A sa demande, l’Information Research Department lance une vaste campagne pour populariser sous le manteau l’européanisme dans les médias et les milieux politiques britanniques. En 1973, l’Angleterre fait son entrée dans le Marché commun ; le 5 juin 1975, 67,2 % des électeurs britanniques ratifient la décision par référendum. Dans ce renversement de tendance en faveur de l’Europe, un homme s’est jeté à corps perdu : nul autre que le chef de la station de la CIA de Londres, Cord Meyer Jr. Ce bon vieux Cord qui remplaçait vingt ans plus tôt son copain Braden à la téte de la Division des organisations internationales de la Compagnie.

 

Par Rémi Kauffer, Revue Historia, 2003

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22 novembre 2013 5 22 /11 /novembre /2013 13:01

C'est un document classé "très secret" qui, à notre connaissance, n'a jamais été publié - un document qui apporte un éclairage particulièrement instructif, au moment où François Hollande arrive en Israël et à quelques jours de la reprise des négociations internationales sur le programme nucléaire iranien.

Il s'agit du compte-rendu d'un long tête-à-tête entre le Général de Gaulle et son homologue israélien, David Ben Gourion, le 17 juin 1960, à l'Elysée. Nous l'avons trouvé dans les archives privées d'un proche collaborateur du chef de la France Libre. L'existence de cette rencontre au sommet était bien connue des historiens - François Hollande l'a d'ailleurs évoquée lors de son discours en présence de Shimon Pères, à son arrivée en Israël. Mais pas les détails de son contenu. Ils sont fascinants.

Ce jour-là, David Ben Gourion est à Paris pour tenter de convaincre le nouveau gouvernement français de poursuivre l'aide ultrasecrète que la France apporte, depuis 1956, à Israël dans son programme nucléaire militaire, aide à laquelle de Gaulle, revenu aux affaires en 1958, voudrait mettre un terme.

L'aide en question est considérable : à la suite d'un protocole secret signé en 1956, des entreprises françaises construisent, à Dimona, dans le désert du Néguev, un réacteur "plutonigène" à l’eau lourde (une installation équivalente à celle que les Iraniens sont en train de bâtir à Arak…) et, à la suite un accord tout aussi confidentiel de l'année suivante, une usine de séparation du plutonium (que les Iraniens n’ont pas encore).

Le soutien français est si décisif qu'Israel a accepté une condition fixée par Paris en 1956 : lorsque Tel-Aviv décidera de construire une bombe, il devra demander l'autorisation à  la France.

Or, en cette fin de printemps 1960, le temps de la décision est venu. Ben Gourion vient demander au Général que la France achève les travaux du réacteur de Dimona et ceux de l’usine de séparation du plutonium, livre l'uranium dont il a besoin pour les alimenter et donne son aval à la construction de la première arme nucléaire israélienne.

Voici l’essentiel de ce compte-rendu, rédigé en style indirect :

Le Général commence par interroger le président israélien sur les arrangements passés avant son retour aux affaires. Ben Gourion répond que "c’est seulement dans quelques mois, à l’achèvement du plan actuel, que le gouvernement israélien aura à demander au gouvernement français son accord pour procéder à la fabrication de la bombe atomique."

"Le Général De Gaulle demande [alors] franchement à M. Ben Gourion pourquoi celui-ci désire avoir la bombe atomique. M. Ben Gourion entend répondre avec non moins de franchise. (…) Quand Nasser [le président égyptien] aura reçu les Mig 19 que lui a promis l’URSS, ces avions, contre lesquels Israël n’a pas de défense, pourraient bombarder Tel-Aviv et Haïfa, rendre impossible la mobilisation et détruire les quatre aérodromes (un civil et trois militaires) qui existent en Israël (l’Egypte en possède 26.) En une heure de temps, l’Egypte pourrait donc créer des conditions telles qu’elles seraient en mesure de remporter la victoire. (….) Israël sait qu’il perdrait dans une guerre les meilleurs de ses éléments, c'est-à-dire certains Israéliens de souche et les immigrants d’Europe et d’Amérique, qui constituent les cadres, la plupart des autres immigrants provenant de pays plutôt attardés. Dans ces conditions, une perte importante d’hommes porterait un coup fatal au pays. Pour cette raison et pour d’autres d’ordre général, Israël désire posséder des moyens de dissuasion suffisamment puissants pour éviter une guerre au Moyen Orient. La bombe atomique constituerait un atout considérable à cet égard encore que certains disent que si Israël la possédait, l’URSS en fournirait à l’Egypte."

"(Le Général De Gaulle dit que) la France ne laissera pas détruire Israël.(…) Au cas où il serait attaqué, il serait défendu. M. Ben Gourion ne doute nullement de la parole du Général De Gaulle (…). Il n’en reste pas moins que si l’aide française ainsi que l’américaine promise également par le président Eisenhower venait après l’attaque, il serait trop tard. En effet, la victoire reviendra à celui qui aura la suprématie aérienne. Si Nasser sait qu’il est le plus fort et qu’Israël n’a pas les moyens d’arrêter ses avions et de détruire ses propres villes, Israël est perdu. La condition de la paix est qu’Israël possède un « deterrent » [un moyen de dissuasion] assez puissant pour décourager Nasser.

(Le Général De Gaulle pense) que Nasser n’aura pas les moyens d’anéantir en une heure une ville telle que Tel-Aviv. (…) Ben Gourion estime au contraire qu’il les aura dans les six mois. Nasser possède déjà six Mig 16, une grande quantité d’autres seront livrés en octobre. Il pourra donc anéantir l’aviation israélienne. Après quoi, les bombardiers Yliouchine, qui seront basés à huit minutes de Tel-Aviv et dont chacun transporte dix tonnes d’explosif pourrait déverser assez de bombes sur les villes et les aérodromes israéliens pour les détruire et paralyser la mobilisation en un seul jour." 

"Le Général De Gaulle fait remarquer (…) qu’il est indiscutable que si Israël possédait une bombe atomique, l’Egypte ne tarderait pas à en recevoir une aussi. Tout en comprenant très bien le souci de M. Ben Gourion, le Général De Gaulle estime que si la France était le seul pays à armer ainsi un autre Etat, alors que ni les Etats-Unis ni l’Angleterre ni l’Union Soviétique n’ont aidé personne en la matière, elle se mettrait dans une situation internationale impossible à un moment où elle ne jouit pas de très grandes facilités sur le plan mondial. (…)

"M. Ben Gourion exprime son désir de ne rien faire qui puisse être préjudiciable à la France. Il ne demandera donc pas de construire la bombe et se contentera, comme l’Inde et la Suède, d’une usine de séparation. Le Général Ge Gaulle fait allusion au fait qu’à partir du moment où Israël disposera d’une usine et de matière fissile, l’autorisation de faire la bombe deviendra moins intéressante pour lui.

M. Ben Gourion, non seulement en son nom propre mais encore au nom de son pays, prend l’engagement solennel de respecter la décision de la France. (…) L’usine sera uniquement utilisée pour la recherche scientifique et pour la production d’énergie électrique. M. Ben Gourion ne veut plus penser à la bombe. En d’autres termes, il considère que les consultations prévues à l’accord ont déjà eu lieu."

Evidemment, De Gaulle comprend que Ben Gourion ne fait cette incroyable promesse que dans le but de voir la France achever les installations atomiques commandées. Mais cette ambigüité va permettre aux collaborateurs du Général de trouver une voie de sortie à moindre coût financier (l’annulation des contrats en cours serait très onéreuse) et diplomatique pour Paris.

Cette solution médiane, jésuite, pourrait-on dire, est proposée par le ministre des Affaires atomiques, Pierre Guillaumat. Elle est résumée dans une autre note secrète : "L’attitude suggérée par Guillaumat, y est-il écrit, vise à ce que la France ne pas soit pincée, sur le plan international, en flagrant délit d’aide à Israël dans le domaine atomique militaire et que la solution retenue soit la moins onéreuse pour le gouvernement français en raison des dommages et intérêts à payer (entre 1,5 Milliards et 7 à 8 Milliards). On ne peut peut-être pas empêcher Israël de fabriquer la bombe mais on ne pas en prendre la responsabilité."

Au final, six mois plus tard, le Général décidera, lors d’un conseil restreint, le 12 janvier 1961, de couper la poire en deux : faire cesser toute aide française concernant l’usine de séparation du plutonium (les ingénieurs estiment que l’arrêt de cette collaboration retardera son achèvement de trois ans) mais de terminer la construction du réacteur de Dimona et de rendre publique cette aide – sans dire l’entière vérité.

Pour l’opinion publique, on adopte la proposition du responsable du programme atomique militaire israélien, Shimon Peres. Cette offre est rapportée dans une note "très secret" rédigée par le ministre français des Affaires étrangères de l’époque, Maurice Couve de Murville : "M. Perez (sic !) a proposé pour "noyer" un peu la collaboration atomique franco-israélienne de conclure entre les deux pays un accord de coopération pour le développement des déserts, dans lequel il serait mentionnée l’étude de l’adoucissement des eaux de mer aux moyens de réacteurs atomiques."

Plus d’un demi-siècle plus tard, c’est le même Shimon Peres, devenu président de son pays, qui reçoit son homologue français, François Hollande.

 

http://tempsreel.nouvelobs.com/ par Vincvent Jauvert, le 17 novembre 2013

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19 novembre 2013 2 19 /11 /novembre /2013 12:22

Chronologie citoyenneté
Chronologie citoyenneté
par Profhistgéo

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10 novembre 2013 7 10 /11 /novembre /2013 12:06

C'est Roland Dumas l'ancien ministre des affaires étrangères de François Mitterrand qui, lors de l'émission "Ca vous regarde" sur LCP en 2013, fait des révélations surprenantes à ne pas prendre à la légère.

 

 

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