"N'oublie pas de rechercher aussi le bonheur que procure une compréhension nouvelle, apportant un lien supplémentaire entre le monde et toi. Ce devrait être l'oeuvre à laquelle tu apportes le plus grand soin, et dont tu puisses être le plus fier."
Albert Jacquard, A toi qui n'est pas encore né.
"On se fait généralement du progrès une idée fort élémentaire"
Régine Pernoud (1909-1998), historienne
"Moins d'histoire et de chronologie, ça ne va pas faire des jeunes gens modernes, ça va faire des jeunes gens amnésiques, consensuels et obéissants"
Régis Debray
"Les véritables hommes de progrès ont pour point de départ un respect profond du passé"
Ernest Renan
L'American way of life (en français : mode de vie à l'américaine) est une expression désignant le mode de vie américain qui s'est développé au XXe siècle et qui repose sur la consommation de masse. Celle-ci prend plusieurs formes : loisirs, objets de la vie quotidienne (alimentation, électroménager...), codes vestimentaires (jeans, costume...), informations pour l'individu, mais aussi surexploitation des ressources naturelles (eau, pétrole, ressources forestières).
Le terme a été largement commenté depuis la déclaration de George Bush Sr (père de George W. Bush), en 1992, estimant que rien ne ferait renoncer son gouvernement à défendre l’American way of life (« le mode de vie des Américains n'est pas négociable »), interprétée dans le contexte de la guerre en Irak par la consommation rapide des ressources naturelles de la planète.
Si tous les habitants de la Terre avaient le même mode de vie qu'un Américain du nord, il faudrait six planètes comme la Terre pour nourrir tous ses habitants. En effet, l'empreinte écologique d'un Américain du nord correspond à six fois la capacité biologique de la Terre
L'American way of life est aussi illustrée par des artistes comme Norman Rockwell.
Le développement de l'American way of life en Europe et dans le monde est un phénomène lié au XXe siècle. L'aide que procura l'armée américaine au cours de la Première Guerre mondiale, où elle fut particulièrement efficace sur l'organisation logistique, dans le centre de la France par exemple, commença à éveiller un intérêt pour cette culture nouvelle.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l'effort de production des armements nécessaires au débarquement de Normandie fut le plus grand projet industriel jamais mené en un temps aussi court par une nation.
À la Libération, les Américains bénéficièrent ainsi d'un prestige considérable, qu'ils réussirent à négocier auprès des pays européens. L'accord Blum-Byrnes (1946) par exemple, outre l'aide financière qu'il accordait à la France, comportait l'autorisation de faire projeter des films américains dans les salles de cinéma françaises. D'autres produits de grande consommation se répandirent en Europe : chewing-gum, Coca-Cola, ... diffusant une forme américaine de culture de masse. Le paradoxe de Leontief exprime, sous forme de théorie économique, le fait que les États-Unis sont parvenus à exporter des biens moins intensifs en capital que ne le sont leurs importations.
L'arrivée du réseau internet pose également ce genre de questions, autour de l'identité culturelle, et du droit de la propriété intellectuelle
S’il est un secteur qui résume et symbolise à la fois l’hégémonie américaine, c’est bien celui de l’économie. En la matière, les Etats-Unis sont un géant qui dépasse, par la taille et par le poids, tous leurs concurrents.
Le premier de ces déséquilibres concerne le commerce. Apparu dès le début des années 1970 comme un élément structurel de l’économie mondiale, le déficit commercial est passé de 100 à 450 milliards de dollars entre 1990 et 2000 pour atteindre 719 milliards de dollars en 2005. Viennent ensuite les finances publiques. Depuis l’intervention en Afghanistan et surtout la guerre en Irak, le déficit budgétaire atteint lui aussi des niveaux abyssaux (plus de 400 milliards prévus en 2006).
Corollaire de ces deux déficits, l’endettement du pays ne cesse de grossir pour atteindre des sommets vertigineux. La dette publique se monte à 8 000 milliards de dollars en 2005, soit près de 70 % du PIB, et la dette externe* à 8 800 milliards de dollars.
Non seulement les Etats-Unis sont endettés, mais ils ne peuvent pas faire appel à l’épargne domestique pour trouver des crédits. Les ménages américains sont, eux-mêmes, très endettés (117 % du revenu disponible en 2003). Ce fort endettement est aujourd’hui compensé par la hausse de l’immobilier. Plusieurs experts soulignent cependant la fragilité d’un tel équilibre qui ne pourra qu’être rompu si le marché de l’immobilier se retourne. En tout état de cause, l’« hyperpuissance américaine » n’a pas d’autre choix que de faire appel à des bailleurs étrangers. Or, aujourd’hui, ces bailleurs sont aussi les puissances susceptibles à terme de remettre en cause le leadership américain, à commencer par la Chine.
Ce sont en effet principalement les banques centrales asiatiques qui financent les emprunts américains : le Japon pour 800 milliards, la Chine pour 320 milliards. Celle-ci est en effet assise sur un trésor de réserves de changes (900 milliards de dollars) acquis grâce aux excédents qu’elle dégage avec le commerce américain. La première économie du monde se finance de plus en plus aux frais de pays plus pauvres parce qu’elle représente, en tant que marché, le principal débouché pour ces économies en forte croissance. L’historien Emmanuel Todd voit ainsi dans le déficit commercial des Etats-Unis « un prélèvement impérial » qui permet aux Américains de consommer tandis que le reste du monde produit et épargne (4). C’est faire fi de la dépendance d’une telle relation. « Les Etats-Unis dépendent, pour 10 % de leur consommation industrielle, de biens dont l’importation n’est pas couverte par des exportations de produits nationaux », remarque le même E. Todd. Ironiquement, la capacité de financement de l’Asie est devenue un élément clé de la prospérité américaine.
Dans un monde global, tant que les déséquilibres sont acceptés de part et d’autre et que chacun y trouve son compte, les fragilités sont, pour ainsi dire, partagées. Le système conserve une certaine stabilité, mais cela a un prix : une plus grande contrainte due à l’interdépendance. Le paradoxe de l’économie américaine, c’est qu’elle n’a cessé sur le long terme de conférer aux Etats-Unis une influence grandissante dans les affaires du monde. Et aujourd’hui, alors que le pays s’affirme comme plus puissant que jamais, l’économie apparaît comme le premier domaine dans lequel les Etats-Unis subissent, et de facto acceptent, une entrave à leur souveraineté tant grandit leur dépendance vis-à-vis du reste du monde.
NOTES
(1) P. Mélandri, « Les États-Unis : un empire qui n’ose pas dire son nom ? », Cités, n° 20, 2004.
(2) Voir P. Kennedy, Naissance et déclin des grandes puissances, Payot, 1996.
(3) E. Todd, Après l’empire. Essai sur la décomposition du système américain, Gallimard, 2002.
(4) Ibid.
A la différence des sociétés d'informatique de la Route 128 près de Boston, celles de la Silicon Valley entretiennent des relations de coopération et de concurrence étroites entre elles et les institutions locales. Pour Anna Lee Saxenian, cette organisation en réseau, ouverte sur l'environnement extérieur, est la clé de la réussite de la mythique Silicon Valley.
Ceux qui étudient le développement régional considèrent en général la Silicon Valley et la Route 128 (dans le Massachusetts, près de Boston) comme des exemples classiques de dynamisme. Une dynamique qui s'est constituée grâce à l'accumulation de compétences technologiques, de capital-risques, de l'agglomération de fournisseurs et de services spécialisés, de la présence d'infrastructures et enfin de l'essaimage des savoirs, rendu possible par la présence d'universités et de flux d'informations informels.
Cependant, cette approche ne peut rendre compte des performances divergentes que les deux économies régionales ont connues à partir des années 90. Toutes deux puisent leurs racines dans les dépenses militaires d'après-guerre et dans la recherche universitaire, mais au-delà de ces origines communes, la Silicon Valley et la Route 128 ont répondu différemment à l'intensification de la compétition internationale. Si les deux régions ont connu un déclin dans les années 80, la croissance rapide d'une nouvelle vague d'entreprises, ainsi que le dynamisme retrouvé d'entreprises établies de longue date, comme Intel et Hewlett-Packard, furent la preuve que Silicon Valley avait retrouvé sa vitalité passée. Le long de la Route 128, à l'inverse, les nouvelles entreprises ne sont pas parvenues à compenser les licenciements continus chez Digital Equipment Corporation et dans d'autres firmes de micro-ordinateurs. A la fin des années 80, les producteurs de la Route 128 cédaient leur dominance de longue date sur la production d'ordinateurs à la Silicon Valley.
Des données régionales illustrent les différences de leur sort. Ainsi, entre 1975 et 1990, les firmes de la Silicon Valley créaient environ 150 000 emplois dans les technologies nouvelles (soit le triple du nombre d'emplois créés le long de la Route 128), alors qu'en 1975 les deux régions offraient un nombre comparable d'emplois (voir le graphique «Evolution du nombre d'emplois » en p. 47).
En 1990, les producteurs implantés dans la Silicon Valley exportaient plus de onze milliards de dollars de produits électroniques, soit presque un tiers du total national, alors que la Route 128, elle, n'exportait l'équivalent que de 4,6 milliards de dollars (source : Electronic Business, 1992).
Enfin, la Silicon Valley rassemblait 39 des 100 compagnies nationales les plus performantes, au taux de croissance le plus rapide, alors que la Route 128 ne pouvait que se targuer d'en compter quatre. En 1990, la Californie du Sud et le Texas devançaient la Route 128, attirant davantage de firmes électroniques en pleine expansion.
Les classements que l'on observe sur le second schéma (voir «Evolution du nombre d'entreprises» en p. 47) reposent sur des taux de croissance de ventes sur cinq ans, mais la liste ne se limite pas aux petites entreprises. Elle comprend aussi des compagnies dont les profits atteignent les multimilliards de dollars, comme Sun Microsystems, Apple Computers, Intel Semiconductor, et Hewlett-Packard, toutes classées parmi les entreprises les plus performantes des années 90. (...)
La Silicon Valley repose sur un système industriel régional en réseau, qui valorise l'apprentissage et l'ajustement mutuel entre producteurs spécialisés dans un ensemble de technologies connexes. La densité des rapports sociaux et le caractère ouvert du marché du travail de la région encouragent l'esprit d'entreprise et d'expérimentation. Les firmes se font une concurrence intense tout en apprenant les unes des autres sur les technologies et les marchés changeants, grâce à des systèmes de communication informels et à des pratiques collaboratrices. La structure relativement libre des équipes encourage une communication horizontale entre les divisions à l'intérieur des firmes ainsi qu'avec les fournisseurs externes et les clients. Dans un système en réseaux, les fonctions intrafirmes apparaissent donc définies de manière vague, et les frontières entre firmes et institutions locales (comme les associations de commerce et les universités) sont poreuses. (...)
Anna Lee Saxenian - Spécialiste des nouvelles technologies et du développement régional, Anna Lee Saxenian enseigne à l'université de Californie (Berkeley). Elle est l'auteur de Regional Advantage : Culture and Competition in Silicon Valley and Route 128, Harvard University Press, 1994.
NOTES
1
M. Granovetter, « Economic action and social structure : the problem of embeddedness », American Journal of Sociology, n° 91, 1985.
A. Chandler, La Main visible des managers, Economica, 1988 (rééd.).
Lockeed Missile and Space et Raytheon Corporation étaient les employeurs privés les plus importants de la Silicon Valley et de la Route 128, respectivement. Mais toutes deux étaient des entreprises militaires avec une activité commerciale limitée.